Contamination par les pesticides et risques sanitaires – focus sur les nouveau-nés et les enfants

D’une part, la grossesse engendre des changements spectaculaires de la physiologie vasculaire, du métabolisme, de l’activité endocrinienne et du système immunitaire qui sont susceptibles d’augmenter la sensibilité maternelle aux pesticides et de favoriser la prééclampsie, le diabète gestationnel ou le cancer du sein. D’autre part, un fœtus en développement est également très vulnérable aux effets des pesticides. Ses organes se développent rapidement, son métabolisme est immature et il peut recevoir une dose plus importante par rapport à son poids corporel. Il est donc suspecté qu’une exposition in utero puisse être associée à des désordres anthropométriques à la naissance, puis à des retards neurocomportementaux. Nous avons souhaité réaliser une revue de la littérature concernant les relations entre exposition aux pesticides et risques sanitaires chez la femme enceinte, le nouveau-né et les enfants. Nous avons effectué une recherche structurée dans la base de données PubMed limitée aux études publiées depuis 2007 en utilisant les termes MeSH pour la littérature sur les expositions environnementales ou professionnelles pendant la grossesse, et leurs effets néfastes sur la santé maternelle, les nouveau-nés et les enfants. Tous les types d’études ont été considérés : mesure directe des pesticides dans une matrice biologique, estimation indirecte de l’exposition à partir de questionnaires et approches de modélisation. Pour le seul impact sur la santé maternelle, nous avons répertorié 10 études ayant exploré les liens entre exposition aux organochlorés ou aux organophosphorés et l’apparition de prééclampsie (ou d’hypertension gravidique). Six autres études se sont intéressées au risque de développer un diabète gestationnel. Seules des études épidémiologiques anciennes ont permis de rapporter des données sur le risque d’apparition d’un cancer du sein. De très grandes cohortes ont exploré si l’exposition professionnelle ou environnementale maternelle était associée aux constantes anthropométriques à la naissance, à la durée de la gestation, à la survenue d’un accouchement prématuré, etc. D’autres ont exploré si cette exposition in utero pendant les fenêtres critiques pouvait perturber les processus de développement et entraîner des pathologies chroniques plus tard la vie. Ces cohortes ont permis l’exploitation de données d’environ 150 000 naissances en Europe pour la seule exploration des risques liés à une exposition professionnelle. Malgré cette littérature abondante, notre revue a trouvé des données limitées permettant d’évaluer le rôle général de « l’exposome pesticides » de la grossesse sur la santé maternelle et celle des bébés à naître. Ces données indiquent toutefois qu’il existe suffisamment de preuves pour justifier les inquiétudes concernant l’impact potentiel des expositions aux pesticides sur la santé. Des variations substantielles dans la conception des études, la méthode de mesure de l’exposition (période de la grossesse ou de l’enfance explorées, matrice biologique utilisée, classes de pesticides considérées), les outils analytiques employés, rendent difficiles les comparaisons entre études. D’autre part, si certaines de ces études peuvent être convaincantes, une limite majeure de la plupart d’entre elles est que les expositions individuelles n’ont été réellement mesurées que chez un nombre assez faible de sujets ; et le plus souvent de façon insuffisante pour répondre aux questionnements des études. Ceci souligne la nécessité d’études longitudinales avec de multiples mesures pendant la grossesse et chez les nouveau-nés pour tirer les bonnes conclusions sur les relations entre l’exposition aux pesticides et les pathologies chez les nouveau-nés et les enfants. Les futures recherches sur les exposomes devront nécessairement inclure la grossesse en tant que période critique pour la santé. Des efforts visant à uniformiser les biomarqueurs ainsi qu’une analyse systématique des facteurs de confusion, des expositions cumulatives et des associations non linéaires renforceraient la littérature existante. Mieux encore, il est évident que la recherche devrait désormais s’axer sur les bénéfices sanitaires apportés par une diminution drastique de l’exposition aux pesticides (notamment par une modification de l’alimentation), plutôt que de se cantonner à une simple constatation des dégâts engendrés par une exposition professionnelle ou environnementale.