Défaillance multiviscérale précoce associée à la pancréatite aiguë : stratégie thérapeutique chirurgicale ou conservatrice ?

La pancréatite aiguë sévère est grevée d’une mortalité avoisinant 10 à 20 %. La cause principale de mortalité est de nos jours l’infection des tissus (péri) pancréatiques nécrosés. Néanmoins, la défaillance multiviscérale précoce, apparaissant durant la première semaine d’évolution, reste une source considérable de morbidité et est encore à l’origine de 20 à 50 % des décès malgré les progrès de la réanimation.Actualités et points forts. – L’activation prématurée des pro-enzymes digestives, une atteinte précoce de la microcirculation pancréatique, et la stimulation excessive des cellules immunitaires effectrices sont les trois mécanismes physiopathologiques interactifs de la nécrose glandulaire. Ces dernières années, le syndrome de réponse inflammatoire systémique et le cortège de médiateurs activés en cascade sont apparus comme l’élément clé déterminant les lésions tissulaires à distance de la glande. Dans 80 % des cas la défaillance multiviscérale précoce est associée à une nécrose stérile mais le parallélisme anatomoclinique et physiopathologique n’est pas absolu. En l’absence d’étude contrôlée, il n’existe aucun argument physiopathologique, clinique ou économique pouvant justifier la résection des tissus nécrosés stériles dans le but de prévenir ou de contrôler les défaillances viscérales. Ainsi, des modalités thérapeutiques non chirurgicales et non spécifiques à la pancréatite aiguë ont été étudiées pour limiter la défaillance multiviscérale, prévenir l’infection pancréatique, diminuer le recours à la chirurgie et améliorer la survie de ces patients. Les moyens thérapeutiques incluent la sphinctérotomie endoscopique en urgence dans la pancréatite biliaire, l’antibioprophylaxie de l’infection de la nécrose, et la nutrition intrajéjunale précoce. La ponction itérative de la nécrose doit être intégrée dans toute stratégie thérapeutique conservatrice afin de dépister précocement l’infection pancréatique qui reste une indication absolue de drainage qu’il soit chirurgical ou autre.Perspectives. – De nombreux arguments expérimentaux et physiopathologiques plaident en faveur du développement d’un traitement immunomodulateur dans la pancréatite aiguë sévère. L’administration précoce d’une ou de plusieurs molécules antagonistes des médiateurs inflammatoires associées éventuellement à un inhibiteur des protéases pourrait influencer favorablement les deux déterminants pronostiques majeurs. Les deux éléments sont l’intensité de la défaillance multiviscérale et le volume de la nécrose (péri) glandulaire qui conditionne la survenue de l’infection pancréatique. Les bénéfices d’un traitement immunomodulateur restent cependant à démontrer sur le plan clinique.